9 étapes à suivre par les conseils d'administration pour améliorer la conformité face aux conflits armés

 

Les entreprises font depuis peu l'objet d'une surveillance accrue en raison de leurs activités dans les zones de conflit armé. Il apparaît désormais essentiel de prendre en compte ce risque naissant avec des solutions solides. Nous présentons ci-dessous 9 mesures qui peuvent contribuer à améliorer la conformité d'une entreprise aux lois nationales et internationales sur les conflits armés.

 

1. Mettre en œuvre des diligences approfondies en matière de fusions et acquisitions

En premier lieu, il est recommandé que la diligence raisonnable relative aux opérations de fusion et d'acquisition soit améliorée afin d'inclure les risques liés aux conflits armés. Bien que la législation en la matière soit éparse, il semble qu'elle évolue actuellement vers une réglementation plus stricte pour les entreprises acheteuses.

Ainsi, en France, depuis un arrêt de la Cour de cassation du 25 novembre 2020, et conformément au droit européen, la société absorbante peut être tenue pour responsable des infractions commises par la société cible avant la fusion. Cette décision doit, en outre, être considérée avec une série de quatre décisions rendues par la Cour de cassation le 7 septembre 2021, qui ont confirmé qu'une société peut être accusée de complicité de crimes contre l'humanité. Une due diligence M&A astucieuse doit donc tenir compte de ce nouveau risque, et s'accompagner d'une stratégie pointue au stade de la rédaction des accords de fusion.

 

2. Comprendre le droit international, régional et national pertinent

Le droit applicable aux entreprises qui participent à un conflit armé est constitué d'un ensemble de législations internationales et nationales. Le droit applicable et le juge compétent peuvent être ceux du siège social de l'entreprise, ou du lieu de l'opération. Les crimes internationaux tels que les crimes contre l'humanité ou les crimes de guerre, pour lesquels les entreprises peuvent être poursuivies, peuvent être intégrés dans le droit national avec leurs propres spécificités. Il est important de noter que les modes de responsabilité, y compris la détermination des éléments matériels et moraux qui peuvent être constitutifs de la complicité, peuvent également varier d'une juridiction à l'autre.

Une compréhension substantielle des législations pertinentes semble donc être devenue nécessaire.

 

3. Créer des comités spécialisés

Les comités se sont avérés efficaces pour superviser les efforts des entreprises dans la lutte contre des problèmes spécifiques, notamment la gouvernance, la lutte contre le travail des enfants ou le changement climatique. Un comité chargé d'assurer la conformité face à un conflit armé peut refléter ces instances préexistantes. Il peut ainsi être responsable de la conformité, organiser les formations, examiner les rapports d'incidents, faire des recommandations et surveiller les processus de conformité.

Sa présence permet également de déléguer les pouvoirs avec plus de souplesse, en répartissant le risque entre les membres au lieu de l'imposer à un seul individu.

 
 

4. Publier un code de conduite informatif

Le code de conduite d'une entreprise est une solution efficace pour exposer ses valeurs, et l'engagement qu'elle attend de ses employés. Facilement accessible, ce document peut indiquer clairement à tous les employés que l'éthique est un aspect fondamental du poste de chacun, ou encourager la communication en cas de crise. C'est également un endroit adéquat pour réaffirmer la nécessité pour les employés de se conformer au droit international, régional et national pertinent et pour souligner la politique de tolérance zéro de l'entreprise en cas de non-respect du droit applicable.

Le code peut également prévoir un processus de signalement en cas d'incident, afin d'encourager les employés à alerter l'entreprise. Ce processus peut inclure le cas d'utilisation, la garantie de l'anonymat et les canaux de communication, notamment le courrier électronique ou postal.

 

5. Développer une distribution optimale des rôles

Une stratégie de conformité est d'autant plus efficace qu'elle est imprégnée dans toute l'entreprise et devient un objectif partagé par les employés. Si l'instauration d'une culture de la vigilance parmi tous les employés sera essentielle, certains postes joueront un rôle plus important. Il s'avérera donc important de les répartir et d'assurer une information claire. Chaque organisation déterminera la structure qu'elle juge appropriée, et de manière générale, nous verrons principalement des rôles détaillés pour le conseil d'administration, le comité des risques mentionné précédemment et le directeur juridique.

 

6. Assurer une formation régulière

Des formations fréquentes sont essentielles pour s'assurer que les objectifs et les indicateurs sont compris et mis en œuvre à tous les niveaux de l'entreprise.

Les formations destinées à l'ensemble du personnel peuvent comporter des aperçus généraux du droit international et national applicable, une présentation du code de conduite de l'entreprise et insister sur les connaissances appliquées, telles que les processus d'identification et de signalement des incidents. En revanche, les employés qui se consacrent aux processus de conformité peuvent avoir besoin d'une formation plus détaillée. Les conseillers généraux peuvent ainsi recevoir des formations traitant des derniers développements dans les tribunaux, de la législation dans les juridictions concernées et des débats en cours concernant la responsabilité des entreprises suite à leur participation à un conflit armé, tandis que les équipes d'investigation internes peuvent bénéficier de mises à jour régulières sur les nouvelles technologies et les nouveaux processus.

 
 

7. Investir dans le suivi et les enquêtes

Il est essentiel pour les entreprises opérant à l'échelle mondiale, y compris dans des zones qu'elles ne connaissent peut-être pas suffisamment, d'assurer un suivi constant des développements géopolitiques à tout moment. Outre la surveillance, qui vise à obtenir une compréhension approfondie de l'environnement géopolitique affectant les zones où l'entreprise opère, des enquêtes peuvent s'avérer nécessaires pour analyser l'impact des développements géopolitiques sur l'entreprise. Il peut s'agir par exemple d'enquêter sur une partie prenante spécifique avec laquelle l'entreprise envisage de s'associer, ou sur la source d'un financement potentiel.

Ces deux missions peuvent être attribuées à un département dédié, ou externalisées. Si cette dernière option peut offrir plus de capacités et de ressources, un département interne peut avoir une meilleure compréhension de la chaîne d'approvisionnement de l'entreprise, de ses opérations, des points stratégiques et des effets des développements sur l'activité et les opérations de l'entreprise.  

La proactivité est donc impérative et chercher à éluder la connaissance pour éviter de rendre des comptes se révèle le plus souvent contre-productif, empêchant un processus de décision efficace, sans pour autant exonérer de ce que l'on aurait dû savoir.

 
 

8. Des avantages des lanceurs d'alerte

En renforçant les efforts de surveillance et d'investigation de l'entreprise, donner au public ou aux employés les moyens de signaler les incidents dont ils ont connaissance peut s'avérer bénéfique. Les entreprises peuvent le faire en créant une ligne d'assistance téléphonique, en créant et en publiant une adresse électronique dédiée et en partageant une adresse postale où le courrier peut être envoyé.

La responsabilité qui accompagne cet afflux d'informations peut être redoutée au premier abord, car il semble que l'entreprise perde sa capacité à prétendre son ignorance des événements. Toutefois, les avantages qui en découlent, en particulier la possibilité de désamorcer une situation potentiellement conflictuelle, l'emportent sur le risque, surtout si l'on considère que la marge de manœuvre dont dispose une entreprise pour affirmer qu'elle n'était pas au courant d'un incident est souvent étroite, par rapport à ce que les tribunaux estiment qu'elle aurait dû savoir.

 
 

9. Anticiper avec des plans et des processus de contingence

Enfin, les entreprises opérant dans des zones de conflit doivent s'assurer que des mécanismes appropriés permettent une réaction et une prise de décision rapides. Il est donc crucial de disposer de processus établis guidant la réaction de chaque échelon en cas d'incident, tout en laissant une certaine marge de manœuvre. Il est recommandé que ces processus identifient qui sera dans la boucle et le rôle de chaque employé. Une vision claire de ce qu'il faut faire et de ce qu'il faut partager avec les ressources externes, y compris les enquêteurs privés, les auditeurs et les avocats, contribuera également à une réaction rapide. Enfin, un plan complet peut envisager le moment approprié pour informer les autorités d'éventuelles violations de la sécurité.

La cohérence et l'adéquation du plan d'urgence et des processus peuvent être testées lors d'une simulation de gestion de crise.

 

Les mesures détaillées ici peuvent ne pas s'appliquer aux importateurs d'étain, de tantale, de tungstène et d'or, qui peuvent être soumis à des obligations de diligence dédiées et spécifiques, conformément au règlement sur les minéraux de conflit. Les articles publiés sur notre site ont pour objectif de partager un raisonnement avec notre audience afin de permettre une meilleure compréhension de la pratique des lois applicables aux conflits armés. Afin de la rendre accessible à un large public, l'analyse est courte et néglige les subtilités qui nécessiteraient une attention particulière dans la réalité. Elle ne doit pas être interprétée comme un avis juridique.

 
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Guide de gestion des risques juridiques pour les entreprises en zones de conflit : strategies de conformité et plan de sortie