Start-ups et PME de la défense : 9 réflexions pour initier une démarche conformité
De lourdes responsabilités pèsent sur les entreprises concevant du matériel militaire et des biens à double usage. Risques de corruption, d’utilisation des biens et technologies aux fins de commettre des violations graves, ou encore de nuire aux intérêts de la nation : la vigilance est de mise sur de nombreux fronts. Si les grands groupes sont dotés d’équipes dédiées et sont souvent à l’avant-garde en matière de conformité, la BITD consiste aussi en de nombreuses PME, ETI et start-ups, pour qui le sujet peut paraître déconcertant. Ce guide a pour objectif de les accompagner dans les premières réflexions qu’elles auront sur le sujet.
Identifier les raisons à l’origine de la démarche
Plusieurs raisons peuvent justifier qu'une entreprise mette en place un programme de mise en conformité.
Une entreprise peut y être contrainte, comme c'est le cas des entreprises entrant dans le champ d'application de la loi sur le devoir de vigilance ;
Elle peut mettre en œuvre un programme de conformité afin d'assurer le respect d’obligations positives. Cela sera le cas par exemple d'une entreprise exportatrice qui, afin de s'assurer de sa conformité aux règles relatives au contrôle des exportations, met en œuvre un programme dédié ;
Une démarche conformité peut également permettre à l'entreprise de prévenir des conduites à risque d'un point de vue juridique, notamment en termes de probité ou de responsabilité dans les violations qui pourraient être commises à l'aide du matériel vendu, ou d'un point de vue réputationnel ;
Les relations d’une entreprise avec ses partenaires peuvent également être à l'origine d'une démarche conformité. Clients, banques ou investisseurs peuvent en effet exiger l'adhésion à des principes, valeurs ou processus indispensables à leurs propres programmes de conformité. Que leur responsabilité puisse être engagée par votre présence dans leur chaîne de valeur, qu'ils aient besoin de s'assurer de l'intégrité de l'usage que vous ferez de leurs fonds ou simplement qu'ils soient attachés à leur réputation, identifier leurs besoins et leurs attentes vous donnera les clés pour construire votre démarche de façon efficace et pérenniser vos relations avec eux. D'autre part, votre démarche conformité peut elle-même constituer un levier dans vos négociations commerciales avec vos fournisseurs ;
Enfin, une entreprise peut souhaiter initier une démarche conformité afin de mettre en œuvre des valeurs et une vision auxquelles elle est attachée.
Identifier la ou lesquelles de ces raisons justifie que vous vous engagiez dans la voie d’une démarche conformité vous permettra de construire un projet cohérent.
Identifier les priorités
La sensibilité des biens et technologies développés par les entreprises de la défense leur impose un large panel d'obligations auxquelles elles sont invitées à se conformer.
Contrôle des exportations, lutte contre la corruption, prévention de la vente de matériel aux fins de commettre des violations aux droits humains ou encore protection des intérêts nationaux : les sujets de réflexion des entreprises de la défense sont nombreux et il convient de les hiérarchiser.
Une réflexion doit donc être menée en amont afin d'identifier les priorités, qui varient d'une entreprise à une autre. Ainsi, investir dans une démarche de conformité à la réglementation applicable au contrôle des exportations n'est pertinent que lorsque l’entreprise a de sérieuses perspectives d'exportation. De même, aborder des sujets relatifs au risque de participer à des violations graves aux droits humains n’aura de sens que pour les entreprises productrices de matériel sensible, tels que des composants pouvant être utilisés dans des armes léthales, du matériel de surveillance ou du matériel dont l’usage pourrait être détourné pour commettre des actes de torture.
Établir une cartographie des risques contribuera à mettre les priorités à jour.
La cartographie des risques, fondation de votre programme
Résultat d'une réflexion impliquant les fonctions critiques de l'entreprise, la cartographie des risques consiste en une documentation détaillant les processus à risque, le niveau de risque et les mesures qui devront être prises afin de le gérer. Elle constitue le socle de votre démarche conformité.
Devant les sujets variés auxquels sont confrontées les entreprises évoluant dans l'industrie défense, du contrôle des exportations à la lutte contre la corruption, en passant par le risque pénal pouvant naître de l'utilisation du bien pour la perpétration de crimes internationaux, il s'avérera souvent plus pertinent de dresser une cartographie propre à chaque risque (cartographie des risques de corruption, cartographie des risques de violation du contrôle des exportations, cartographie des risques acheteurs, cartographie des risques investisseurs…).
Envisager la conformité comme un processus
Une démarche conformité est par nature évolutive et dynamique, pour plusieurs raisons :
D’abord, les évolutions législatives et réglementaires imposent des mises à jour régulières ;
Ensuite, le processus est celui d'un constant ajustement, afin de tenir compte de risques sous- ou surévalués, et d’affiner les mesures ;
Enfin, les efforts mis au service de la conformité ont vocation à croitre à mesure que l'entreprise se développe.
Dès lors, une démarche conformité gagnera à être envisagée comme un processus dont les évolutions ponctueront la vie de
l’entreprise et affecteront ses opérations. Cette approche permettra en outre de construire cette démarche graduellement et de l’appréhender plus sereinement.
Construire par blocs complémentaires
Ce processus peut, en outre, être envisagé comme la construction d'un projet dont les étapes se soutiennent les unes les autres. La cartographie des risques de corruption viendra ainsi éclairer la réflexion que vous menez sur les utilisateurs auxquels vous souhaitez vendre votre matériel et ceux qui vous exposeraient à des risques trop singuliers. Ces considérations alimenteront, de même, votre vision des investissements étrangers qui pourraient être soumis à l'autorisation du ministère de l'économie.
En menant ces différentes réflexions, vous construirez progressivement un système robuste associé à une culture de la conformité ancrée au cœur de l'entreprise.
Adapter les objectifs aux ressources
La proportionnalité entre les ressources et les mesures mises en œuvre constitue une idée centrale à toute démarche conformité. Dans le cadre de négociations commerciales ou d’une procédure judiciaire, être en mesure de démontrer qu’une démarche conformité a été pensée de sorte à être proportionnée aux ressources de l’entreprise est fondamental. Ce facteur donne aussi une boussole à une entreprise qui aurait des difficultés à trouver l’équilibre dans le degré de granularité qui serait attendu d’elle.
Instaurer une culture de la conformité au sein de l'entreprise
L'ensemble de ces démarches aura pour effet d’instiller une culture de la conformité au cœur de l'entreprise qu'il conviendra d’encourager. Ce n'est qu’à la condition d'un engagement de l'équipe dirigeante qu'une démarche peut trouver sa place dans l'entreprise et entraîner l'adhésion de l'ensemble des équipes. Aborder le sujet lors de réunions, investir sur la formation des équipes, prendre sans détour les mesures qui s'imposent en cas d’écart sont autant de signaux qui font passer le message que l'entreprise est attachée à ses valeurs. Ils sont le garant de l'efficacité de votre démarche.
Communiquer
Tirer le meilleur parti d'une démarche conformité consiste également à communiquer vos efforts aux parties intéressées. Plusieurs niveaux de publicité pourront ainsi être établis, des documents que vous souhaiterez mettre à disposition du public, à ce que vous souhaiterez conserver en interne, en passant par ce que vous communiquerez à vos partenaires uniquement.
Cette communication facilitera également vos relations avec les observateurs.
Faire usage des ressources mises à disposition par les agences de l’état
Afin d’optimiser les ressources de l’entreprise, se reposer sur les lignes directrices mises à disposition par les agences de l’état dédiées, au premier rang desquelles l’Agence Française Anticorruption, peut être une solution valable dans un premier temps. L'Agence a ainsi mis en ligne un guide destiné aux PME souhaitant s’engager dans une démarche anticorruption qui peut être le socle d’une première réflexion au sein de l’entreprise.